L’enjeu fondamental pour la Fédération des Entreprises des Outre-Mer est d’encourager le développement économique des entreprises. À ce titre, la Fedom initie des séminaires thématiques dans tous les outremers. Le dernier en date se déroulait à Saint-Martin. L’occasion d’échanger avec Hervé Mariton, président de la FEDOM. 

Texte Ann Bouard – Photo Raphaël Novella

En janvier 2023, dans une précédente interview, vous aviez déclaré : « je veux créer un réflexe outre-mer ». Un an plus tard, ce réflexe est-il acquis ? 

Dans le vocabulaire sûrement, puisque l’expression a prospéré et est assez largement utilisée aujourd’hui. On est passé d’une sorte de prière un peu résignée, revendiquant l’exception outremer, à une mobilisation plus active. C’est un succès de vocabulaire et les mots influent sur l’évolution du monde. Ensuite il y a la réalité. Pour qu’il y ait ce réflexe, il ne suffit pas de le demander, il faut le construire et y travailler. C’est mon action au sein de la FEDOM, non pas par des revendications mais par des propositions. Il ne faut pas être plaintifs, il faut être actifs !  

Lire Aussi | Cette année, la FEDOM veut créer un “réflexe Outre-mer”

Concrètement est-ce que cela influe sur les dossiers ? 

En 2023, les séminaires sur la transition énergétique ont eu pour résultat des percées lors de la loi de finances 2024 permettant la défiscalisation du photovoltaïque en autoconsommation et de manière plus révélatrice un changement sur la manière de faire. La ministre de la Transition énergétique a organisé un groupe de travail permanent sur les zones non interconnectées, principalement les outremer, dans le plan géothermie, un volet a été prévu et les moyens pour suivre les dossiers seront renforcés. 

Souvent lorsqu’une loi sort, on se pose la question de ce que l’on va faire des Outre-mer. On renvoie cela à des ordonnances qui échappent à la concertation et à la délibération. Sur la transition énergétique, le réflexe outremer de la ministre de l’époque a été de se poser la question dès le début. Mais il n’existe pas encore suffisamment, par exemple, sur le Bail responsable et solidaire où, la discussion avec le ministère du Logement est un peu compliquée. Il faut faire en sorte que les questions soient portées par le ministère des 

Outre-mer mais qu’elles immergent l’ensemble des réflexions. Vous me dites un an après, “est-ce que l’on a avancé ?”. La réponse est oui ! 

Lire Aussi | Quelles sont les principales organisations de coopérations dans la caraïbe ?

Après plusieurs séminaires, quelles différences notables ou points communs notez-vous dans les Outre-mer ? 

Il y a des différences institutionnelles et l’on ne peut pas mettre tout le monde sous la même toise, car c’est inadapté et contraire à la réalité. Chaque territoire a un chemin complètement autonome, mais l’État est incapable de gérer 12 politiques différentes ne serait-ce qu’en termes de moyens humains. Il faut donc assumer les facteurs différenciants, la propriété immobilière rappelée ici a un sens plus fort avec les aléas climatiques depuis Irma, le contexte démographique, la taille du territoire, la proximité de St Barth. Surtout, il faut travailler en lien avec les responsables locaux, tout comme il faut travailler sur les points communs, comme les carences du système assurantiel, les problèmes d’indivision, l’adaptation du processus constructif, etc. La relation du territoire avec les territoires voisins est aussi un facteur dont il faut tenir compte.  

Actuellement vous travaillez sur le thème du BTP et du logement ? 

On a prévu d’aller dans tous les territoires pour bien appréhender ces sujets, pour repérer les propositions, pour les légitimer à la fois dans notre parole mais aussi la parole qui est portée sur place. Si nous sommes les seuls à nous exprimer, ça marche moins bien que si elles sont aussi exprimées sur le terrain. Plus nos propositions résultent d’un travail sur le terrain, mieux c’est. Sur le logement, il faut davantage prendre en compte les carences de logements intermédiaires. Le logement social a sa part mais il n’y a pas que cela. Il faut mettre en avant le rôle des aménageurs, c’est aussi un élément commun.  

Lire Aussi | Antilles-Guyane : 24 ans de coopération régionale

Les entreprises doivent s’engager dans la transition écologique, réduire leur empreinte carbone mais certains équipements ne peuvent pas être assurés ?  

À tort et c’est une carence du précédent séminaire, on n’a pas parlé de cet autre facteur commun qui est l’empreinte carbone et le fait que les Outre-mer ont à y réfléchir. Sur les panneaux photovoltaïque par exemple, légalement ils peuvent être assurés, mais certains assureurs rechignent. Il y a là un sujet, car il y a un nœud qu’il faut identifier et il faut que l’on y travaille. Il y a un autre sujet commun, qui est celui de la simplification. On va porter un certain nombre de propositions au gouvernement pour la simplification. Beaucoup de points restent encore à aborder et à solutionner. 

La disparition d’un ministère des Outre-mer de plein exercice impacte-t-elle les décisions pour les outre-mer ? 

Les rôles sont bien répartis et la ministre déléguée assume ses responsabilités. C’est une femme de qualité, elle a envie de se lancer dans le fond des sujets. J’ai été brièvement ministre des Outre-mer, je pense que c’est mieux que les outremer ait un ministère plein. Pas tant par rapport au ministère de l’Intérieur que par rapport aux autres ministères et au fonctionnement de l’interministérialité. Cela n’est pas un manque de considération mais cela peut compliquer certaines relations administratives. Or, beaucoup de sujets d’outremer sont en relation avec d’autres ministères et donc cela peut jouer. 

Les Outre-mer attendent beaucoup du CIOM, qui cependant tarde à se réunir ? 

Clairement la longueur du remaniement et le délai de mise en place des cabinets ministériels ont ralenti la machine et il va falloir qu’il y ait au moins un point d’étape sur la mise en œuvre des mesures annoncées en juillet 2023, avec le ministre Carenco. Il y a des avancées positives, d’autres peuvent poser question, il faut faire un point là-dessus. En décembre avec le ministre Vigier, un point a été fait sur cette mise en œuvre. Donc le plus tôt il y aura un nouveau point cette fois avec Madame Guévenoux mieux ce sera. Et on y travaille déjà. 

Où en sont les mesures pour la modération des prix de l’énergie ?  

Le parlement a voté dans le budget 2023, sur une idée de la Fedom, une aide pour les producteurs qui utilisent du fioul dans leurs sites de production. Cette aide a été votée mais n’a malheureusement pas été appliquée. Ce n’est pas un bon point. Depuis un an, le marché de l’énergie s’est calmé, mais il faut être attentif sur l’avenir. Il y a des choses qui ont avancées récemment sur l’éligibilité des petits acteurs économiques au tarif réglementé.  Il y a un débat en cours. Nous sommes attentifs à cela. Et plus largement lié à la mise en œuvre de la transition énergétique sur l’ensemble du territoire.