À l’occasion du 20e anniversaire de la convention sur le patrimoine immatériel de l’Unesco, nous avons suivi la trace d’un savoir-faire artisanal et traditionnel qui nous a mené à Trinité, chez Aline Goder, la seule femme factrice de tambours en Martinique.

Texte Floriane Jean-Gilles Photo Jean-Albert Coopmann

Aline Goder nous reçoit sur sa terrasse : lattes de bois, cerceaux en métal et outils sont enveloppés d’une fumée blanchâtre à l’odeur de bois brûlé, nous sommes dans son atelier. Lorsqu’Aline Goder participe aux soirées bèlè, c’est pour entonner lavwa dèyè ou faire résonner le ti bwa derrière le tanbouyé ; mais lorsqu’il s’agit de fabriquer les instruments, elle est aux avant-postes.
« Je fabrique des tambours depuis plus de 30 ans. C’est le père de mon compagnon qui m’a tout appris, M. Dartagnan Charle-magne Laport », commence-t-elle.

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Tanbou : Pi-tak pi-tak tak-tak-tak

« La fabrication de tambours est un travail de recyclage de fûts », poursuit Aline. « Je les casse pour récupérer les douelles et les cercles métalliques. Puis, je retaille chaque latte que je réassemble ensuite avec les cerceaux. Pour attendrir les lattes en bois, je fais brûler un feu à l’intérieur du tambour, je peux alors le fermer plus facilement », nous explique-t-elle.

Le tambour bèlè a cette forme conique caractéristique car deux musiciens jouent dessus : le tanbouyé, bien sûr, et le bwatè, à l’arrière. Pi-tak pi-tak-tak, vous connaissez ce rythme singulier…
« La peau tendue sur le tambour joue un rôle essentiel : la peau de mouton, idéale pour le tambour bèlè, fait résonner des sons graves ; tandis que la peau de cabri permettra des sons plus aigus tout en conservant de la basse. Elle est parfaite pour le ladja et le danmié. Il existe une grande variété de bèlè, j’aime beaucoup le danmié, mais le rythme ternaire du bouwo ou marin bèlè me transcende, je ne saurais l’expliquer », poursuit Aline Goder avant de chanter un air d’Alé mayé bouwo.

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Bouwo mwen lé mayé, Bouwo mwen lé mayé twa jou avan mwen mo

Aline nous fait écouter différents morceaux de bèlè pour appréhender ses
subtilités. « Le bèlè est un tout : il est rassemblement, unité, fraternité, entente, joie, peine, souffran-ce », nous répond-elle quand on lui demande ce que représente le bèlè à ses yeux.

On le joue, on le danse, on le chante, le bèlè est une variation entre le soliste et les répondè, un dialogue repris par les musiciens et les 4 couples de danseurs ; le tambour en est la caisse de résonance.

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