Mathieu Girard est devenu en janvier le premier Guyanais à participer au Dakar. L’accomplissement d’un rêve qui, espère-t-il, inspirera les jeunes du territoire.

Texte Daryl Ramadier

Je suis fier de représenter la Guyane. J’espère inspirer les jeunes. On n’a pas tout ce qu’il faut pour la moto. Je veux montrer que malgré ça, si on est bosseur, déterminé et qu’on y croit, on peut y arriver.

Mathieu Girard

Le parcours de Mathieu Girard

L’histoire de Mathieu Girard commence avec celle de ses parents, arrivés en Guyane à 19 ans. Mordu de moto, son père lui transmet la passion. Le fiston a 11 ans quand il fait ses premiers tours. Il remporte des titres en Guyane puis se rend en Picardie en 2004, à 14 ans, pour se perfectionner. Il obtient de bons résultats en championnat de France, mais la moto est un sport dont il est difficile de vivre.

Après une dernière saison en 2010, il rentre en Guyane. Mathieu doit « remplir la gamelle ». Il prend en charge le karting de Macouria et construit sa vie professionnelle. Il continue à suivre ses anciens adversaires, à des milliers de kilomètres. Jusqu’à ce qu’un voyage à Oman, en 2021, ne fasse tout basculer. « J’y ai découvert le désert. C’était magnifique, fascinant. Je me suis dit que c’était ça que je voulais faire. » Lui qui passe des heures chaque semaine en bateau, veut troquer son océan d’eau pour celui de sable. Puisqu’il faut rêver grand, il place le curseur haut : le Dakar, plus grand rallye-raid au monde.

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Road-book

Comme vingt ans plus tôt, tout s’accélère. Mathieu Girard va en Métropole se former à la “navigation”, la lecture d’un road-book à moto. « C’est difficile à travailler en Guyane. Il n’y a pas beaucoup de pistes et je les connais par cœur. »

En septembre 2022, le garçon de Matoury est au départ du Rallye du Maroc, une course qualificative pour le Dakar. Il y retourne en 2023 et revient avec son ticket d’inscription en poche. Le rêve est en marche. Les sollicitations se multiplient. Il va devenir le premier Guyanais à participer. « Je suis fier de représenter la Guyane. J’espère inspirer les jeunes. On n’a pas tout ce qu’il faut pour la moto. Je veux montrer que malgré ça, si on est bosseur, déterminé et qu’on y croit, on peut y arriver. »

Le 30 décembre, son meilleur ami Damien et lui partent de Cayenne. À Paris, ils retrouvent François, frère du pilote établi dans le sud de la France pour des raisons professionnelles. Chez les Girard, les passions se partagent en famille. Ils prennent ensemble la direction de l’Arabie Saoudite.

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Des cailloux et du sable

La KTM au numéro 147 prend le départ à Alula le 5 janvier. Une partie de l’histoire est écrite. Le plus dur reste à venir. « Le premier objectif est d’aller au bout », glisse Mathieu Girard. Il sait qu’environ 30 % des motards abandonnent à chaque édition. Ici, à chaque jour suffit sa peine. Dès l’étape 1, les pistes caillouteuses mettent les corps et les esprits à rude épreuve. Le lendemain, les compétences de navigation sont testées. La caravane arrive ensuite dans les dunes de l’Empty Quarter, la plus grande étendue de sable ininterrompue au monde. Mathieu apprend, fait quelques erreurs mais atteint l’arrivée chaque soir. Toujours avec le sourire.

« Être ici est un priviège », dit celui qui n’oublie pas d’où il vient. « C’est difficile mais il ne faut pas se plaindre. On a toutes les raisons d’être heureux. » En piste, le pilote de Matoury performe et se trouve bien classé. « J’essaie de ne pas y penser. Si je dois perdre du temps pour éviter de prendre des risques, je le ferai. Le but est de finir. »

La ligne d’arrivée pour Mathieu Girard

Yanbu, 19 janvier. Lancé à près de 150 km/h au bord de la plage, Mathieu se dirige vers la ligne d’arrivée. Les 7 854 kilomètres du parcours se terminent à une honorable 30e place en catégorie Rally2 (pilotes non-professionnels). Damien et François sont là et ils ne sont pas seuls. Le regard du pilote croise celui de son père. Sous le casque, les larmes coulent.

« C’est une surprise, je ne m’y attendais pas », articule-t-il. L’émotion le submerge. Les Guyanais du Dakar l’attendent, rayonnants. Ils invitent ceux qu’ils ont rencontrés sur la course à venir découvrir leur territoire. « Je suis si fier de mon frangin », s’émeut François. Lui aussi est passionné de moto. Il a dû mettre ça entre parenthèses pour soigner des blessures. Pilote d’hélicoptère, il se verrait bien remonter en selle. « Plus je vois les motos passer, plus ça me démange. » L’histoire des Guyanais au Dakar ne fait peut-être que commencer.

Alula, enfin. Concentration à quelques heures du départ du Dakar, Mathieu Girard a rendez-vous avec l’histoire. Crédit : A.S.O./Fotop/M.Mattos