Elle en a foulé des tapis rouges. Aux quatre coins du globe mais surtout ici, en Guadeloupe. Priscilla Delannay, directrice artistique du festival Nouveaux Regards et présidente de l’école Kourtrajmé Karaibes, a choisi de porter sur ses épaules le cinéma caribéen.

Des débuts enracinés dans une passion familiale

À Trois-Rivières, certaines traditions étaient sacrées. Chez les Delannay, le rituel démarre le samedi, au vidéoclub. C’est là qu’on se retrouve pour sélectionner les DVD et cassettes qui seront regardés religieusement le soir en famille, chaque semaine, pendant des années. « Nous avonsdûvisionnertouslesfilmsdisponibles ! »

Fille de cinéphiles, la jeune Priscilla Delannay nourrit une soif intarissable du 7e art. À la maison, le magnétoscope tourne à plein régime. Il dévoile, à la petite fille émerveillée, des kilomètres de récits imagés, en couleur ou en noir et blanc. Ses yeux à elle ne sont jamais fatigués, surtout pour les films d’auteurs et les thrillers psychologiques qui la fascinent.

« J’avais ce besoin, presque physique, de consommer des films, de continuer à sans cesse être bouleversée par les scénarios. D’étudier la nature humaine à travers les écrans. »

Loin des dessins animés, l’enfant vénère Hitchcock et ses Oiseaux qu’elle regarde jusqu’à user la pellicule. « Mes parents m’ont mise face à des films qui ont forgé ma vision du cinéma. J’ai développé une appétence pour les productions qui font réfléchir, une envie d’en parler, de faire connaître ces œuvres au monde. »

La découverte et l’embrassement du cinéma caribéen

Puis c’est le grand bouleversement. Un soir, devant Rue Cases-Nègres, de la Martiniquaise Euzhan Palcy, l’adolescente découvre le cinéma caribéen. « Ce jour-là, je n’ai pas seulement pris conscience de notre cinéma. J’ai été saisie par sa beauté. Sa résonance. Ce sont nos histoires. J’étais tellement fière de découvrir qu’il avait été réalisé par une femme ! »

Une vocation est née. Priscilla Delannay intègre quelques années plus tard l’équipe du FEMI, événement phare du cinéma en Guadeloupe. Pendant sept ans, elle travaille à valoriser les productions caribéennes avec cette conviction inébranlable : « Notre culture a sa place. Elle prend sa place. Nos histoires caribéennes sont universelles. »

Au détour des quelque mille cinq cents films qu’elle estime avoir visionnés dans sa vie, Priscilla Delannay cite l’œuvre de Xavier Dolan avec une émotion encore palpable. Elle en est convaincue, Mommy a chamboulé l’industrie du cinéma. Ces « nouveaux regards », créations audacieuses et imprévisibles, ont le mérite de briller ici aussi dans les Caraïbes.

Priscilla Delannay © Jude Foulard
Priscilla Delannay © Jude Foulard

“Nouveaux Regards” : un festival qui révolutionne le paysage cinématographique

Sous son égide, un nouveau festival s’invite alors dans les salles obscures de Guadeloupe. « Nouveaux Regards », aujourd’hui classé parmi les dix meilleurs de la Caraïbe, est un événement qui séduit immédiatement les publics. Un rythme effréné s’installe.

Entre l’organisation des différentes éditions, Priscilla Delannay court les tapis rouges de l’Europe à l’Amérique. Pour parler de nous. Attirer des pontes de l’industrie. Braquer les projecteurs sur l’archipel où sommeillent des talents. Mais la route est longue et les besoins sont nombreux.

« Le cinéma guadeloupéen doit continuer à s’organiser. Avec des formations, des équipements… C’est toute une industrie qui se structure. »

Vers un futur prometteur pour le cinéma guadeloupéen

Loin d’être abattue, la quadragénaire renforce son engagement en prenant la tête de l’école Kourtrajmé Karaibes, une formation professionnelle gratuite aux métiers du cinéma. Son optimisme contagieux ne laisse pas de place au doute dans sa capacité à faire naître son « Hollywood » caribéen. Qui sait ? À ce rythme- là, son rêve d’une salle entièrement dédiée au cinéma guadeloupéen deviendra sûrement réalité.


Retrouvez cet article dans le hors-série Portraits Guadeloupe de mars 2024.