Sur ses toiles, sa signature se fait encore discrète alors que son énergie impressionne. Aurélie Argyre, artiste plasticienne de 23 ans, apparaît timide et douce. Ce tempérament introverti masque une seconde nature.

Au fond, couve un feu… joyeux et généreux.

« Je suis quelqu’un de l’ombre », affirme la jeune femme avec une touchante sincérité. Pourtant, son prénom signifie « or » et donc lumière.

Côté face, Aurélie habite chez ses parents en bordure de rivière dans un quartier de Schoelcher. Lycéenne, elle s’imaginait professeure de Sciences et vie de la Terre. Sa réussite au concours d’entrée au Campus caribéen des arts en a décidé autrement. Aujourd’hui en 5e année, elle prépare un Diplôme national supérieur d’expression plastique. Elle espère l’obtenir pour rassurer sa famille.

La jeune femme confie avoir fait une tentative de suicide dans son école d’art, terriblement bouleversée et fragilisée par un conflit qui l’opposait à des camarades et un enseignant. Un épisode qui avait réveillé un souvenir douloureux  : celui du harcèlement alors qu’elle était en classe de 6e. Une expérience d’exclusion et d’isolement qui engendrait sentiments d’abandon et de dévalorisation de soi. Ce tragique passage à l’acte l’a arrachée de son « monde des bisounours ».

Elle offre son intimité au monde  

Côté pile, Aurélie Argyre fait preuve de résilience. Elle se transcende pour trouver sa place, s’affirmer, quitte à devoir rentrer en conflit s’il le faut. Elle s’est déclarée comme artiste, suivant le conseil de son mentor, l’artiste Christophe Mert. Aurélie expose ses oeuvres et les vend. Elle redoutait de montrer ses oeuvres. Elle s’est vue encouragée par des personnalités du milieu telles que Victor Anicet, Christophe Pomez (ex-directeur de la DAC)…

Cette adepte de l’art figuratif peint des toiles montées sur châssis ronds pour la perfection de cette forme. Ses portraits de femmes noires à l’identité caribéenne, élaborés avec minutie, sérénité et patience, témoignent d’une quête identitaire salvatrice. « En découvrant l’histoire de ma famille, mes origines indiennes, byzantines, j’ai retrouvé confiance en moi. » Son œuvre parle de métissage. Sa force créative est émancipatrice.

Aurélie initie des collégiens du Vauclin à pléthore de techniques créatives et artistiques. Ensemble, ils réalisent une fresque collective dans l’enceinte de l’établissement. Là encore, son travail s’inspire d’éléments culturels de Martinique.

Les yeux tournés vers le soleil levant

Sa seconde passion : le Japon. Aurélie a co-fondé avec des amis de son âge, Otaku’s family en 2020. L’association promeut la culture nippone en Martinique. La première édition de Madin’Japan Festival a connu un succès tel qu’il a surpris certains partenaires. Une initiative audacieuse qu’a plébiscité une communauté de férus de mangas et d’animés.

Même des professionnels du secteur, depuis la France et le Japon, soutiennent l’évènement.
Aurélie se projette dans cinq ans en résidence d’artiste aux États-Unis et au pays du Soleil levant pour y exposer. Avec le feu qui l’anime, elle saura éteindre une à une ses peurs. Son énergie la propulsera.


Retrouvez cet article dans le hors-série Portraits Martinique n°2, édition 2024.