Economie Circulaire. Dédiée exclusivement aux entreprises, associations et collectivités, l’Écologie Industrielle et Territoriale réconcilie économie, écologie et performance ! En Martinique, c’est l’association Entreprises & Environnement qui a relevé ce challenge. 

Les entreprises martiniquaises ont souvent des équipements, de l’expertise ou encore des matières premières non utilisées. Elles ont aussi des déchets valorisables dont elles aimeraient prolonger la durée de vie. Comment faire ? En les transformant en ressources pour d’autres entreprises.

C’est la mission de Livia Flavien à chez Entreprises & Environnement. Essayons de mieux comprendre ce concept et son intérêt pour notre territoire.

Livia Flavien - responsable EIT - Entreprises & Environnement Martinique
Livia Flavien © Jean-Albert Coopmann

Qu’est-ce que l’Ecologie Industrielle et Territoriale ?

Livia Flavien : Un des sept piliers de l’économie circulaire, l’Écologie Industrielle et Territoriale consiste en la mise en réseau des acteurs économiques d’un territoire dans leur démarche de valorisation de leurs différentes ressources ou déchets.  

« L’EIT est une dynamique collective entre entreprises dans laquelle “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme” (Antoine Lavoisier) »

Pourquoi les entreprises devraient s’engager dans l’EIT ?

L’objectif de l’Ecologie Industrielle et Territoriale est de créer un réseau de coopération inter-entreprises, au sein duquel celles-ci vont à la fois pouvoir s’échanger des ressources et matières, mais aussi mutualiser des équipements ou des services. Cette démarche permet alors de créer une boucle avec ces ressources, d’où la notion d’économie circulaire

« En un an d’activité l’EIT 972 a permis aux entreprises participantes d’économiser près de 288 000€.  Celles-ci ont évité d’émettre 2357 tonnes de CO2, l’équivalent de 786 allers-retours Paris-Fort-de-France ! »

Cette année exploratoire a ainsi été riche, avec 37 rendez-vous BtoB qui ont débouché sur l’économie de 133 tonnes de matières et le réemploi de 168 tonnes. 41 synergies ont ainsi été concrétisées !

C’est beaucoup pour une première année. J’ai eu l’occasion de confronter récemment ces résultats avec des résultats de démarches nationales : cela dépasse nos espérances ! 

Valorisation déchets BTP - Ecologie Industrielle et Territoriale
Valorisation des déchets du BTP © milivoj kuhar via Unsplash

Comment se manifeste concrètement l’EIT ?  

La valeur ajoutée de l’EIT se situe à plusieurs niveaux sur un territoire. 

  • Création de synergies entre acteurs

La concrétisation la plus courante de l’EIT est la création de synergies entre acteurs, afin que les entreprises puissent substituer aux matières premières ou équipements neufs souvent importés, des matières ou équipements localement inutilisés, par le biais du réseau.

Les entreprises peuvent également satisfaire certains de leurs besoins par la mutualisation d’équipements, d’espaces de stockage, d’achats et de services divers

  • Création de nouvelles filières

A un second niveau, les informations collectées lors des séances d’animation avec les entreprises permettent d’envisager la création de nouvelles filières ou de nouveaux métiers.

Par exemple, si l’on considère qu’une part des invendus de boulangeries est insuffisamment valorisée, cela peut justifier la création d’une activité même modeste de collecte, de transformation et de valorisation de ces ressources pour l’alimentation humaine ou animale. 

Plusieurs idées de ce type émergent d’ores et déjà des échanges entre les acteurs économiques et pourraient être développées localement; que ce soit pour les déchets carnés mais également pour les déchets du BTP, qui est le premier type de déchets au niveau des professionnels en Martinique. 

  • Mise en symbiose industrielle

Enfin, en bonne intelligence avec les acteurs politiques, l’EIT peut amener à un placement volontaire de plusieurs entreprises sur une zone géographique donnée, dans l’objectif de créer des interdépendances entre elles; avec à la clé des gains de compétitivité, de la création de valeur et un impact minimal de l’activité sur l’environnement.

Il s’agit de la mise en symbiose industrielle, le haut du panier en Ecologie Industrielle et Territoriale !

Consigne du verre - Ecologie Industrielle et Territoriale
Consigne du verre © lacey williams via Unsplash

Quel est l’intérêt de cette démarche pour un territoire comme la Martinique ?

Nos acteurs économiques évoluent sur un petit territoire de 1128 Km2, entouré d’eau. Notre écosystème productif subit de plus en plus les surcoûts liés aux approvisionnements en matières premières, ainsi qu’aux échanges commerciaux majoritaires avec la France à plus de 7000 km.

« La récente crise sanitaire a démontré, s’il était nécessaire, que développer notre résilience n’est pas un mythe mais bien une réalité, voire une obligation ! »

Nous avons également plus de 42000 chômeurs, et à chaque fois que nous valorisons à l’extérieur certaines ressources, nous exportons à la fois de l’activité et de l’emploi, leur emploi.

La Martinique est un petit laboratoire, sans possibilité de fuites frontalières des ressources. Nous faisons ainsi face à un enjeu crucial qui est de réduire la quantité de déchets destinés à l’enfouissement et l’incinération, tonnages estimés à 409 kg / minute pour les déchets ultimes des professionnels en Martinique.

Par l’intelligence collective, nous pouvons créer du neuf avec du vieux et c’est là tout l’intérêt de l’Écologie Industrielle et Territoriale pour la Martinique. 

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Quelles actions ont été mises en place par votre association pour faire émerger cette EIT ?

Nous avons d’abord organisé un atelier de détection de synergies en octobre 2019 : 31 entreprises y ont participé et 568 synergies potentielles identifiées. C’est énorme !

Les entreprises ont bénéficié d’un accompagnement individuel et ont pu prioriser les projets de synergies qui leur tenaient le plus à cœur.

En Mars 2020 a eu lieu une nouvelle rencontre axée sur la concrétisation avec 21 entreprises, 37 rendez-vous BtoB et 2 ateliers collectifs thématiques, une dizaine d’experts et la présence de tous les partenaires.

Et au fil de l’eau les synergies se concrétisent, certaines grâce à l’animateur et d’autres sans l’animateur. Le plus important étant qu’elles se concrétisent !

Valorisation des pneus
Valorisation des pneus © adam kring via Unsplash

Pouvez-vous nous donner des exemples de synergies réalisées sur notre territoire ?

Oui tout à fait ! Nous avons de multiples exemples rien que sur l’année écoulée :

Une entreprise de transport de déchets a récupéré des déchets d’enrobés auprès d’une entreprise du BTP pour aménager ses sites et parking de camions, favorisant un exutoire pour ces déchets et évitant l’utilisation de matières vierges. Ce type de synergie a un fort impact environnemental pour le territoire. 

Une ferme agro-écologique souhaitait développer une nouvelle activité de lavage et séchage de fruits et légumes pour diversifier ses revenus et réduire ses invendus. Grâce au réseau, elle a pu récupérer des équipements industriels en inox auprès d’une industrie alimentaire qui n’en avait plus usage.

Quatre acteurs de l’ESS ont pu collecter du mobilier et des équipements informatiques pour équiper leurs structures auprès d’une entreprise immobilière qui évacuait des locaux désaffectés.

Un agriculteur du sud collecte de façon hebdomadaire des fruits et légumes impropres à la vente auprès d’un distributeur de produits bio.

Grâce à cela, il a pu développer une activité de compostage et apporter un complément alimentaire à son bétail sans surcoût. Et en ayant transformé ces déchets en ressource pour une autre structure du même bassin géographique, le distributeur de produits bio n’a plus à en supporter les frais de gestion.  

Echange de palettes - Ecologie Industrielle et Territoriale
Echange de palettes © mika baumeister via Unsplash

Il y a également une activité de recyclage de plastiques, d’échange de palettes entre entreprises selon les gabarits souhaités qui s’est créée.

Il y a aussi des synergies de mutualisation, comme le partage de stockage ponctuel entre une GMS et un acteur du BTP, la collecte mutualisée de déchets d’entreprises entre deux acteurs du BTP, la collecte mutualisée de machines industrielles hors d’usage entre deux entreprises voisines qui travaillent dans le secteur métallurgique.

Et il faut également souligner que dans le cadre de la période de confinement, six synergies se sont tissées dans le réseau autour de partage d’information et de contacts pour du gel hydro alcoolique, de collecte de matières premières pour confectionner des masques, collecte de gants et de produits de nettoyage. La dynamique de réseau a donc également très bien fonctionné en situation de crise.

L’Ecologie Industrielle et Territoriale en Martinique pourrait par ailleurs porter ou accompagner un projet de consigne, comme ce fut d’ailleurs le cas avec MACEO en Auvergne, où 3 trois acteurs ont été mis autour de la table pour concevoir une solution intégrée de lavement et de réemploi des contenants en verre, utilisable par les acteurs utilisateurs. 

Le déchet ne devient déchet que quand celui qui le possède arrête de le voir comme une ressource !

« L’EIT permet de tisser des ponts pour que les acteurs échangent entre eux ce dont ils ont véritablement besoin pour développer leurs activités en réduisant leur impact environnemental. »

Que reste t-il à faire ?

Que reste t-il à faire : 

  • Accompagner des synergies plus structurantes pour notre territoire en 2021 serait une grande satisfaction. 
  • Pouvoir bénéficier du soutien des Communautés de Communes. 
  • Accéder à de la Recherche et Développement exploratoire.
  • Faire remonter les besoins du territoire à d’éventuels porteurs de projets afin de créer des activités nouvelles. 

J’encourage par ailleurs les entreprises à s’armer des meilleures compétences et à se tourner vers des partenaires tels que l’ADEME pour financer l’étude de faisabilité de leur projet en énergie renouvelable, gestion des eaux, ou création de nouvelles filières, afin de passer de l’idée au projet concret

L’Écologie Industrielle et Territoriale est une approche pragmatique et concrète. Le COPIL actuellement composé de l’ADEME, la DEAL (initiateur du projet), l’AMPI, la fédération des ZAE, la CCIM, la Chambre des Métiers et de l’Artisanat, la CTM, les 3 communautés de communes espère que cette dynamique sera vectrice de valeur ajoutée pour les entreprises de Martinique.

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Comment rejoindre le réseau ?

Rien de plus simple ! Il suffit de nous contacter si vous souhaitez proposer de nouvelles synergies sur des matières, services ou des équipements. Il est également possible de manifester votre intérêt pour un prochain atelier de détection de synergies inter-entreprises.

Nous avons par ailleurs une page Linkedin “Ecologie Industrielle et Territoriale Martinique”, régulièrement alimentée en contenu. C’est un réseau ouvert. 

Nous étudions la possibilité dans les mois à venir de mettre en place une petite cotisation pour assurer la pérennité financière de la démarche, aujourd’hui majoritairement financée par l’ADEME, et Entreprises & Environnement sur fonds propres.

Entreprises & Environnement 
Livia Flavien
lflavien@entreprisesenvironnement.com 
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