Élevage. La crise économique mondiale affecte particulièrement notre territoire, très dépendant de l’import et déjà affaibli par deux ans de crise sanitaire. Pour l’Iguavie, l’interprofession guadeloupéenne de la viande et de l’élevage, la production locale reste un atout indispensable face cette situation. (Texte Audrey Juge, Photo Lou Denim)

Depuis 15 ans, l’Iguavie rassemble 7 filières de production de viande et d’élevage du territoire : les volailles, les porcins et les bovins pour les produits les plus consommés, puis les caprins, les lapins, les œufs et l’apiculture. Cet espace d’échange et de partage entre les acteurs représentants les différents métiers – producteurs, provendiers, transformateurs, distributeurs et artisans bouchers – permet de travailler au développement collaboratif des diverses filières de production dans un but commun : gagner des parts de marché afin de répondre aux attentes des consommateurs en quantité, en qualité et en régularité, à un prix abordable.

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Le monde de l’élevage touché par l’inflation

Or, la crise de ce début d’année est venue contrecarrer les plans du monde de l’élevage animé par l’Iguavie, déjà en lutte pour le développement des filières animales locales contre l’import de viande congelée à bas prix. Selon Élie Shitalou, secrétaire général de l’Iguavie, « les crises notamment sanitaires, ont souvent été favorables aux productions locales. ESB (ou vache folle), tremblante du mouton, poulet à la dioxine ont montré tout l’intérêt de l’élevage territorial. Mais cette crise-là est bien différente. Elle est économique et cherche à niveler »

Car le problème majeur auquel font face les producteurs et le provendier guadeloupéen aujourd’hui est leur dépendance à l’import pour les matières premières destinées à produire l’aliment du bétail. « Les hausses de prix se répercutent sur le prix de la viande. Bientôt, consommateurs et éleveurs ne pourront plus absorber ce différentiel. Nous pourrions éventuellement produire localement ces matières premières mais pas en quantité suffisante pour approvisionner l’ensemble du marché. Les niveaux de consommation actuels nécessitent des productivités optimales qui ne pas peuvent pas être obtenues que dans des créneaux de niche », affirme le secrétaire général. 

« Maintenir des activités en zone rurale c’est maintenir la vie dans le Péyi Gwadloup. »

Un plan de soutien au sein de l’interprofession

Un plan de résilience a pourtant été mis en place par le gouvernement en début d’année pour soutenir les agriculteurs, notamment les éleveurs impactés par la hausse du prix de l’aliment animal, mais il est loin d’être suffisant selon Élie Shitalou. « Pour les petits éleveurs, environ 40 % des factures ont été prises en charge entre mars et juillet 2022, soit la quasi-totalité du surcoût sur l’aliment. Mais ce n’est pas le cas pour les sociétés agricoles, pourvoyeuses de volumes importants de production. Pour elles, l’aide a été très limitée, ce qui pourrait ressembler à une vraie injustice. Dans ce contexte, l’Iguavie est en phase avec ses membres pour trouver de nouvelles voies visant à pérenniser les producteurs en s’orientant vers une étape 2.0 ». En effet, l’interprofession s’oriente vers une nouvelle dynamique s’inspirant d’un autre modèle insulaire qui fonctionne depuis plus de 40 ans. « La Réunion a mis en place des caisses de péréquation, pour soulager les éleveurs via des cotisations payées par l’ensemble des acteurs, ce qui a permis de stabiliser les prix à tous les niveaux de la filière. Nous avons donc commencé un travail avec l’ensemble des acteurs des filières pour décliner cette méthode réunionnaise localement. » 

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Protéger la production locale de viande, l’affaire de tous

Soutenir la production locale est vital pour notre territoire. « Maintenir des activités en zone rurale c’est maintenir la vie dans le Péyi Gwadloup. On ne peut pas se contenter uniquement d’activités de loisirs ou de tourisme. Nous devons trouver les mécanismes permettant de pérenniser les activités de production. » Mieux encadrer les producteurs, prioriser en fonction des principales viandes consommées, installer de nouveaux producteurs et les professionnaliser pour répondre aux besoins des consommateurs restent les grands axes de travail de l’Iguavie. Des ambitions qui, selon Élie Shitalou, ne se réaliseront pas sans l’appui des pouvoirs publics. « Au-delà du soutien financier des politiques, nous avons besoin de réunir toutes les parties prenantes pour réfléchir à une stratégie commune et globale de développement du pays sur le long terme. »

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